Les contrats de gré à gré, négociables, peuvent être conclus immédiatement par la simple rencontre d’une offre et d’une acceptation. Cependant, il est fréquent que les négociations s’étendent dans le temps pour gagner en profondeur. Cette phase précontractuelle attire désormais une grande attention.
Autrefois négligée par le droit (le Code civil ne lui réservait aucune disposition), cette période de négociations est aujourd’hui largement mise en lumière. La complexité croissante des contrats et l’importance grandissante des enjeux économiques liés aux contrats entraînent souvent des négociations prolongées. Les parties échangent de nombreux courriers, formulent diverses contre-propositions et progressent graduellement sur les différents aspects de l’opération. La conclusion du contrat n’est plus perçue comme un événement instantané et brutal causé par la rencontre des volontés, mais plutôt comme un processus qui s’inscrit dans la durée grâce à l’accumulation d’accords partiels et de compromis successifs. C’est ce qu’on appelle la théorie de la formation progressive des contrats ou punctation, originaire d’Allemagne.
Plusieurs interrogations surgissent lorsqu’on considère que la conclusion des contrats est précédée par une phase de négociations visant à conduire progressivement vers un accord : quelles sont les obligations pesant sur les parties pendant cette étape? Quels effets ont les contrats préparatoires pouvant être conclus au cours des négociations? À quel moment l’accord progressif entre les parties atteint-il le stade permettant de qualifier la conclusion du contrat?
Les dispositions légales concernant les pourparlers
En l’absence de dispositions dans le Code civil de 1804, la jurisprudence a été chargée d’établir les règles applicables aux négociations. Ces règles ont été développées par la jurisprudence en se basant sur les anciens articles 1382 et 1383 du Code civil (actuellement 1240 et 1241 : responsabilité délictuelle). Lorsqu’une des parties impliquées dans les négociations se considère victime d’un préjudice causé par la faute de l’autre, cela peut résulter de divers comportements tels que rompre les négociations de manière abusive ou utiliser des informations confidentielles obtenues pendant ces discussions. Il est important de noter que la responsabilité encourue est alors de nature délictuelle, faute d’existence d’un contrat entre l’auteur du dommage et la victime.
L’ordonnance a intégré les principales solutions issues de la jurisprudence : un article 1112 traite de l’initiative, de la conduite et de la rupture des négociations, tandis que l’article 1112-2 concerne l’utilisation et la divulgation d’informations confidentielles. À noter qu’un article additionnel, le 1112-1, a également été introduit. Celui-ci concerne spécifiquement l’obligation d’informer durant la phase précontractuelle mais ne s’applique pas exclusivement aux contrats conclus directement entre parties sans appel à une procédure standardisée.
Il ressort donc clairement que dans le cadre des contrats conclus hors procédures formalisées standardisées comme les contrats de gré à gré, certaines obligations légales découlent des pratiques établies par la jurisprudence pour encadrer les négociations contractuelles.
L’impulsion, la gestion et la cessation des pourparlers
L’article 1112 du Code civil stipule que les négociations précontractuelles doivent être menées dans le respect de la bonne foi. Cette disposition combine les principes de liberté et de bonne foi, accordant aux parties une certaine souplesse tout en exigeant un comportement loyal. Ainsi, il est permis de refuser de négocier, de mener des négociations selon ses propres termes et même de mettre fin aux pourparlers sans faute. La bonne foi vient cependant tempérer cette liberté en imposant l’obligation d’agir loyalement durant les négociations.
Il est essentiel d’agir avec intégrité pendant les phases précontractuelles, comme l’avait déjà souligné la jurisprudence antérieure à travers l’exigence implicite de bonne foi. Un exemple illustratif est celui où un négociateur avait cédé des actions à une tierce partie alors qu’il s’était engagé à les vendre à quelqu’un d’autre, démontrant ainsi un manquement à la loyauté requise dans ces interactions. Il est donc crucial d’éviter tout comportement susceptible d’être interprété comme allant à l’encontre des principes fondamentaux régissant les relations commerciales.
En résumé, bien que la liberté des parties soit préservée lors des négociations précontractuelles, celles-ci doivent agir en conformité avec la bonne foi pour garantir des échanges justes et équilibrés.
Exploitation et divulgation d’informations privilégiées
Lorsqu’il s’agit de négocier des contrats, il est essentiel de prendre en compte les informations confidentielles qui peuvent être échangées entre les parties. En effet, l’article 1112-2 souligne que toute personne utilisant ou divulguant des informations confidentielles sans autorisation encourt une responsabilité selon le droit commun. Cette disposition vise à protéger les données sensibles partagées lors des négociations contractuelles.
Les contrats de gré à gré offrent la possibilité aux parties impliquées de négocier directement les termes du contrat sans passer par un processus d’appel d’offres. Ce type de contrat permet une plus grande flexibilité dans la définition des modalités et conditions, ce qui peut être avantageux pour les deux parties.
Il est important de noter que même dans le cadre des contrats de gré à gré, toutes les informations échangées doivent rester confidentielles et ne pas être utilisées ou divulguées sans autorisation. Le non-respect de cette règle peut entraîner des conséquences juridiques pour la partie responsable.
En conclusion, les contrats de gré à gré offrent une certaine liberté dans la négociation des termes contractuels, mais il est primordial de respecter les règles en matière d’information confidentielle pour éviter tout litige ultérieur.
L’obligation d’information précontractuelle
Lorsqu’il s’agit de négocier un contrat, il est essentiel que les parties impliquées échangent des informations pertinentes. En effet, la jurisprudence a depuis longtemps reconnu l’existence d’un devoir d’information mutuelle entre les contractants. Ce devoir vise à garantir que chacune des parties dispose de toutes les données nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause.
Dans le cadre précontractuel, l’article 1112-1 consacre cette obligation d’information en stipulant que toute partie détenant une information cruciale pour la décision de l’autre doit la divulguer. Cela s’avère particulièrement important lorsque ladite information est inconnue ou qu’une confiance aveugle est accordée au cocontractant. Il est cependant important de noter que ce devoir ne concerne pas l’évaluation monétaire des prestations en jeu.
Les informations considérées comme ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties revêtent une importance cruciale. Ainsi, il incombe à celui qui réclame une certaine information de prouver que cette dernière était effectivement due par l’autre partie. Cependant, il revient également à cette dernière de prouver qu’elle a bel et bien fourni ladite information.
Il est crucial de souligner que les parties ne peuvent en aucun cas restreindre ou exclure ce devoir d’information dans leurs contrats. Bien que certaines tentatives aient été faites pour clarifier ces obligations précontractuelles, un certain flou persiste encore dans ce domaine complexe du droit des contrats.